Tout premier titre du jeune studio Monokel, White Shadows semble être l’héritage des œuvres de Playdead, Limbo et Inside. Que vaut cette aventure monochrome faite de puzzles et de plateformes ?
Montré pour la première fois l’été 2020 lors d’une conférence célébrant la scène indé, White Shadow était présenté comme “une fable moderne, un miroir déformé de notre propre monde, drôle, dérangé et un peu significatif“. Larguée dans l’immensité d’une cité hostile, la frêle Corneille va devoir se frayer un chemin entre les obstacles et les plateformes fragiles pour trouver une issue. Le parcours est entravé par la surveillance des loups qui règnent en maître dans cette société dystopique où notre héroïne en est la paria. Une histoire qui métaphorise le capitalisme, l’exploitation et la discrimination dans un monde animalier totalitaire.
UNE DYSTOPIE TRÈS INSPIRÉE
Avec son design monochrome, sa narration silencieuse et sa protagoniste à la silhouette si fragile, évoque indéniablement les piliers des références de Playdead. Sans jamais piper mot, la petite Corneille débute sa traversée au centre d’un gigantesque réseau de tours et d’usines fumantes. On reconnaît à l’architecture des lieux un caractère assez saisissant et vertigineux : des trains dévalent des rails montantes, des montgolfières manquent de nous faire tomber dans le vide ; Sur des dizaines de façades d’acier, les termes “All animals are equal” (“Tous les animaux sont égaux”) sont placardés. Pourtant, des amas de cochons semblent entassés dans ce qui ressemble à des exploitations. Dans cette ville aux airs de fabrique immense, on produit sans interruption des sources de lumière artificielles, étrangement vénérées au rang de divinité.
Le studio Monokel nous séduit constamment par de subtiles variations de plans et de jolis cadrages. Le spectacle est légèrement obstrué par une résolution qui fait défaut à la contemplation. L’ambiance se forge davantage dans le sound design qui s’avère très bien affûté. Les sons stridents s’inscrivent dans les instants de tensions, les musiques orchestrales soulignent la théâtralité du récit. L’écoute est toujours très plaisante. Les mystères de cet univers s’imbriquent dans une dystopie inquiétante au large potentiel narratif et au message dur, mais si vite expédié. White Shadows semble avoir tant à raconter, sans forcément en prendre le temps. L’aventure vous occupera 2h30 tout au plus, traitant trop en surface une palette de métaphores et de personnifications faciles. Après quoi elle s’achève sur une conclusion quelque peu abrupte. De quoi laisser pantois avec maintes questions qui restent en tête.
UN GAMEPLAY ASEPTISÉ
Notre Corneille muette se manie au cœur d’un gameplay simple et intuitif. Pour se dépêtrer du pétrin dans lequel elle se trouve, il ne suffit que d’un bouton pour sauter, un autre pour déplacer des objets et de la croix directionnelle pour se déplacer. Le jeu se parcourt dès lors assez instinctivement et parvient à user de la verticalité de sa carte pour briser sa linéarité. Il ne vous soumet pas à des défis ardus façon Limbo et préfère opter pour des checkpoints très réguliers et des sauts peu risqués. Mais en dépit de quelques bonnes idées survenues en seconde partie, White Shadows a bien du mal à briller par son level design. Les puzzles bien ficelés se font rares ; les plateformes surprennent peu et se restreignent dans des schémas déjà trop visités à base de leviers à activer et de caissons à bouger. Globalement, le trajet manque de fulgurances ou simplement de vrais pics de difficulté. Ces défauts sont en outre entachés par des sensations trop rigides à la manette. Corneille est, disons-le, plutôt mollassonne et rigide. Ses mouvements manquent d’élan et de souplesse. Et elle n’est clairement pas aidée par les quelques soucis de collision rencontrés en cours de route. Elle nous accorde néanmoins un joli sentiment de progression en se parant à certaines étapes déterminantes de nouveaux accessoires qui transforment généreusement ses capacités. Ces dernières restent toutefois toujours peu confortables à diriger.