Remarqué par sa direction artistique peu commune rappelant des croquis dessinés sur un vieux carnet de voyage, Mundaun propose une aventure horrifique se déroulant dans un lieu peu commun. En effet, le titre développé par Hidden Fields prend place dans les Alpes suisses et propulse le joueur à Mundaun, vallée fictive aux prairies escarpées dominée par de sombres montagnes. C’est justement dans ces hauteurs que le jeune héros de l’histoire, Curdin, va descendre en enfer.
LA VALLÉE RECRACHÉE
C’est avec l’esprit embrumé et le cœur lourd que le protagoniste de notre mésaventure retourne sur ses terres natales, au sein d’un petit village qui semble abriter toutes les peines du monde. Le jeune homme part enquêter sur la tragique disparition de son grand-père, mort dans un étrange incendie. Il va malheureusement apprendre à ses dépens qu’il est facile de passer de l’état de chasseur (d’information) à celui de proie : dans les prairies vallonnées de Mundan, son chemin va croiser à de nombreuses reprises celui du Malin. Et il va en parcourir des kilomètres, ce pauvre Curdin ! Véritable jeu d’aventure en vue à la première personne flirtant avec le simulateur de marche, le soft conçu par Hidden Fields tient plus de Kôna que de Virginia. Son cadre peu vu à l’écran (la région des Grisons dans les Alpes suisses) ainsi que l’utilisation du patois local (le romanche) offrent une fraîcheur déstabilisante. Nous retrouvons également un carnet de notes qui se met à jour à chaque découverte, des énigmes, un véhicule pour se déplacer sur la carte, beaucoup de portes à ouvrir et une ambiance globalement dérangeante, à l’image de ce qu’avait proposé l’équipe de Parabole en 2017.
Porté par des musiques diablement réussies, Mundan arrive à nous transporter en dehors des conventions. Artistiques, tout d’abord, avec ses 50 nuances de gris servies par un effet “crayonné à la main”. Cela signifie que les textures ont été parfois gribouillées, parfois rafistolées avec un filtre Photoshop, puis appliquées sur des modèles 3D quelque peu sommaires. Techniques, ensuite, avec des animations pauvres, des effets spéciaux d’un autre temps, et de nombreux ralentissements (surtout sur PS4 fat). Cette déficience qui sent le projet fauché comme le foin nous ressort parfois de l’épopée. Une séquence utilise par exemple les ombres portées en temps réel par le soleil, sauf que la définition des dites ombres est trop faible pour afficher la forme voulue. Cette désuétude technique que ne renierait pas un Deadly Premonition n’est pas innocente au léger malaise que nous ressentons pendant la progression. Bien que ce choix esthétique tranché tienne plus du cache-misère que de l’avant-gardisme sidérant, nous comprenons bien que l’essentiel de Mundaun, telle la vérité, est ailleurs.
DES GRISONS PAS GRISANTS
Présenté comme étant une enquête aux frontières du réel, le soft façonné par Hidden Fields est un conte horrifique où se côtoient réalité et folklore. À pied ou à bord de certains véhicules, Curdin doit inspecter son environnement afin de progresser. De la simple clé à trouver pour ouvrir une porte aux ombres à suivre grâce à une lanterne spéciale, les objectifs se suivent et se ressemblent. Mundaun tente tout de même de diversifier son approche avec quelques séquences sortant de l’ordinaire, à l’image d’un passage de tir au canon, ou d’un autre demandant d’effectuer un choix ayant des répercussions sur la suite des événements. Quelques affrontements sont également au programme (à l’aide d’un râteau puis d’un fusil), mais les ennemis bêtes comme leurs pieds sont aisément contournables. Le principal ennemi du héros reste le moteur physique d’Unity, loin d’être optimal lors des phases en véhicule.
Le système de peur à surmonter promis par le studio n’est en fait qu’une simple mécanique de points de vie se rechargeant quand le joueur se met à l’abri. Oubliez les hallucinations en cas de résistance mentale affaiblie ou des rouages demandant de gérer intelligemment son angoisse, Mundaun n’apporte finalement pas sa pierre à l’édifice de la construction de la peur. Les pouvoirs magiques dont est affublé le héros lui permettent à la fois de tordre la réalité, au moins autant que les phalanges de sa main contaminée, et de revivre des événements d’un lointain passé. Tout est évidemment scripté : aucune réflexion n’est nécessaire quant à la manière d’utiliser une capacité qui sort de l’ordinaire. En règle générale, le titre conçu par Michel Ziegler ne demande pas de se creuser les méninges. Les objets importants ne sont situés qu’à quelques mètres des endroits où ils sont nécessaires, et les rares énigmes s’avèrent être d’une simplicité désarmante.
Au fur et à mesure de son avancée dans les trois grandes zones qui composent l’aventure, le joueur découvre des refuges, véritables phares dans les ténèbres qui s’abattent sur la région. Disposant de points de sauvegarde ainsi que d’items intéressants à récolter, ils donnent surtout la possibilité de se préparer un bon café, et donc de gagner en résistance mentale. Malgré son austérité de façade, le soft de Hidden Fields sait aussi prendre le joueur par la main afin de lui éviter de se perdre dans les montagnes. Par de judicieuses bougies placées sur le chemin à suivre lorsque la nuit tombe, ou par une voix indiquant que la zone n’a pas été suffisamment fouillée. Attention cependant, certaines séquences requièrent un sens de l’observation pointu comme les cornes d’un bouc. L’imagerie de l’occultisme est d’ailleurs bien présente aux confins de la vallée de Mundaun. Doté d’une ambiance plus pesante qu’effrayante, le soft se permet deux ou trois jump scares extrêmement efficaces. Le conte horrifique a au moins la qualité de présenter une histoire assez bien construite qui se suit avec intérêt, avec ce qu’il faut de mystères et d’explications pour se laisser emporter sans se perdre dans un océan d’interrogations. Il se permet même quelques ruptures de ton, par l’intermédiaire d’une chèvre bavarde ou d’un homme enfermé dans les cabinets capable de rétablir le courant… en échange d’un peu de papier toilette.