Sorti sans tambour ni trompette sur PC et PlayStation 4, Maskmaker est pourtant l’un des plus beaux voyages de cette première moitié de 2021, à vivre exclusivement en réalité virtuelle. Si vous avez un Oculus Quest, un Rift, un PS VR ou un HTC Vive et que l’idée de sculpter des masques en bois aux propriétés extraordinaires vous attire, alors les lignes qui suivent pourraient vous intéresser.
Dès qu’il s’agit de nous transporter dans des mondes merveilleux et poétiques, la France a clairement un incroyable talent. Maskmaker est ainsi la nouvelle production du studio parisien Innerspace VR, qui nous avait déjà enchantés avec A Fisherman’s Tale. L’ambition de Maskmaker est cependant plus grande, avec l’idée de nous transporter dans différents mondes merveilleux, par l’intermédiaire de masques en bois.
Pitcher Maskmaker n’est pas si simple : vous y incarnez « vous-même » et êtes invité à pénétrer dans la boutique d’un fabricant de masques. L’endroit est à l’abandon depuis longtemps et l’on comprend dès le début que les choses ont mal fini entre le maître artisan et son apprenti. Après quelques minutes d’errements, à observer un miroir cassé, un jeu d’échecs et quelques très beaux exemplaires de masques, une première énigme nous permet de pénétrer dans l’atelier de fabrication. Une voix off (omniprésente, même un peu trop, mais nous y reviendrons) nous invite alors à nous saisir d’une pièce de bois, d’un marteau et d’un burin pour créer notre premier masque. Les gestes viennent naturellement, la reconnaissance de mouvement fonctionne parfaitement et notre première œuvre se matérialise sous nos yeux intrigués. Après avoir plongé le masque dans la peinture correspondante au schéma de fabrication, la voix off nous demande alors de mettre le masque. Et c’est là que le jeu débute réellement, puisque chaque masque que vous allez fabriquer vous transporte dans différentes parties d’un royaume imaginaire. Vous entamez votre exploration sur une plage paisible, puis vous partez à la découverte d’un village perdu dans la montagne, avant de traverser une forêt marécageuse rongée par des champignons. Ce ne sont là que quelques exemples.
Le jeu va alors consister en un mélange d’exploration, d’observation et d’énigmes, où vous allez devoir mettre la main sur tout un tas d’éléments naturels qui vont vous servir à la fabrication de nouveaux masques, ce qui va vous permettre de progresser dans l’histoire. Mais il y a un twist, puisque chaque nouveau masque se découvre en observant à la longue-vue un personnage immobile, que vous allez pouvoir incarner. Maskmaker joue énormément là-dessus : changer de corps permet ainsi de résoudre de nombreuses énigmes (par exemple faire passer un objet dans un panier en contrebas pour ensuite le récupérer avec l’autre corps situé en hauteur via un système de poulie) et rythme bien votre partie. Découvrir un nouveau schéma de masque est toujours un moment important, qui peut s’accompagner d’une certaine frustration lorsque l’on comprend qu’il nous manque des éléments pour le construire. On doit alors partir à leur recherche, parfois revenir en arrière et même changer de royaume. La progression dans le jeu est d’ailleurs relativement peu linéaire, puisque vous avez rapidement accès aux trois royaumes du jeu (qui sont séparés chacun en deux grandes zones), que vous pouvez traverser dans l’ordre que vous souhaitez.
Il va être difficile d’en dire plus, tant la découverte fait une très grande part de l’intérêt de Maskmaker. Sachez cependant que le titre d’Innerspace VR se parcourt de manière assez fluide, bien que l’on puisse un peu tourner en rond au début, à la recherche de tel ou tel ingrédients. Le niveau des énigmes reste assez simple, mais elles sont la plupart du temps très malines, faisant intervenir plusieurs parties du décor et exigeant régulièrement une vraie coordination entre nos différents avatars masqués. En matière de durée de vie, nous sommes dans une bonne moyenne pour ce genre de jeu, puisque l’histoire se boucle en 5 ou 6 heures.
UN PETIT AIR DE “JOURNEY”
Côté scénario, on comprend rapidement que les mondes que nous explorons sont en quelque sorte figés dans le temps et qu’il faut les réveiller, afin de leur rendre leur grandeur passée. L’histoire est aussi simple que belle et peut s’interpréter à différents niveaux, puisque quelques indices découverts évoquent la maladie, voire la dépression. D’ailleurs, et c’est sans doute là l’un des rares défauts du jeu, un narrateur (en VO sous-titrée ou en VF) commente très régulièrement l’action et appuie un peu trop sur ce qui pourrait se passer de commentaires. Un peu agaçantes sont également les phrases « philosophiques » sur les masques qui viennent trop souvent se répéter lorsque l’on est dans l’atelier. Peut-être que la narration environnementale aurait mérité d’être un peu plus travaillée, au détriment de cette narration « vocale » globalement réussie, mais pas toujours nécessaire.
Techniquement, Maskmaker peut sembler assez simple, avec un Unreal Engine « propre », mais aux textures qui manquent de détails. Peu importe, car cette relative pauvreté technique est rattrapée par une superbe direction artistique, qui fait la part belle aux paysages grandioses et aux jeux d’échelles. Chaque monde visité est radicalement différent de l’autre et les décors gagnent en ampleur au fur et à mesure que l’on avance dans le jeu. Des sommets d’une montagne enneigée au désert le plus aride en passant par les cimes d’arbres centenaires, Maskmaker est une invitation constante au voyage et à la curiosité. Les moments de grâce sont ici nombreux, surtout lorsque l’on parvient au bout d’une énigme et que l’on assiste, béa, à la transformation du paysage. Une sensibilité visuelle et sonore qui n’est pas sans rappeler les jeux de Jenova Chen. Bref, si vous êtes sensible à la poésie d’un Journey ou d’un Flower, le nouveau jeu d’Innerspace a toutes les chances de vous toucher profondément.