Après une campagne de financement participatif couronnée de succès et une période d’early access ayant été très bien accueillie par le public, Solasta : Crown of the Magister est enfin sorti en version 1.0 pour clamer à la face du monde combien la petite équipe française de Tactical Adventures aime de tout son cœur le jeu de rôle sur table. Wizard of the Coast a fourni au studio une licence pour l’utilisation des règles de D&D du SRD 5.1, et force est de constater qu’il en est ici fait un excellent usage.
UNE CRÉATION DE PERSO QUI MET DANS LE BAIN
Il ne faut guère passer beaucoup de temps dans Solasta : Crown of the Magister pour comprendre que nous avons à faire à des passionnés de D&D qui ont cherché à transposer avec un respect tout ce qu’il y a de plus académique des règles de la licence de Wizard of the Coast. Effectivement, dès la création de personnage, vous serez sans aucun doute bluffé par la quantité de paramètres qui peuvent être affectés à chacune des 5 races et des 6 classes embarquées dans le jeu. La plupart des attributs sont paramétrables et, premier indicateur de l’amour porté aux lancers de dé, vous pouvez affecter aux caractéristiques de vos personnages des points de compétences d’une manière traditionnelle, ou tout simplement lancer des dés et distribuer leur résultat dans chacune des branches. Si l’on saluera l’excellent travail réalisé par l’interface qui cherche à être aussi claire qu’accessible, le débutant un peu effrayé par ce déluge d’options pourra tout à fait choisir 4 personnages prédéfinis, afin de s’assurer une expérience équilibrée. Effectivement, la nature du jeu fait qu’il est tout à fait possible de « rater » son groupe et d’être contraint de recommencer une partie pour avoir une escouade plus efficace et complémentaire, et certaines compétences requises au lancer de certains sorts ne pourront plus être apprises passés l’écran de création de perso. Si vous désirez vous concocter un groupe aux petits oignons, Solasta vous en laissera quoi qu’il en soit la liberté et la personnalisation de personnage sera aussi riche que la création de votre avatar dans une partie de D&D sur table.
Une fois arrivé en jeu, la volonté d’accessibilité est toujours là. Les premières heures de Solasta sont une sorte de tutoriel très progressif, qui dévoile des mécaniques avec suffisamment d’espace pour laisser au joueur le temps de les éprouver et donc de les digérer. S’il n’est pas le jeu le moins hermétique au monde, sachez que si vous avez une appétence pour le jeu de rôle à l’ancienne, que vous avez déjà parcouru les Baldur’s Gate et consorts, vous devriez sans peine trouver vos marques dans Solasta qui mise avant tout sur ses combats au tour par tour plutôt que sur sa narration, qui est sans doute l’un des points les moins réussis du jeu.
UN SCÉNARIO SANS ÉCLAT
Effectivement, outre la trame scénaristique assez convenue, qui vous place aux commandes d’un groupe de 4 mercenaires enquêtant sur le retour d’hommes-lézard particulièrement belliqueux, dans l’ensemble, Solasta vous place sur des rails qu’il sera difficile de quitter. À l’exception de quelques choix, les traits de personnalité de chaque personnage, également paramétrables, ne se ressentent qu’au détour d’un dialogue qui peut se régler à coup de jet de dés, mais globalement ce n’est pas pour sa narration, ses embranchements et le sentiment d’incarnation que l’on se souviendra de Solasta. Évidemment, l’inévitable comparaison avec un certain Baldur’s Gate III, en cours de confection dans les locaux de Larian Studio, causera du tort au jeu de Tactical Adventures. Mais il convient de rappeler que les budgets des deux jeux sont radicalement différents et l’on sent que tout de même beaucoup d’efforts ont été consentis pour rendre l’univers de Solasta vivant. Alors on pourrait pester contre un chara design assez douteux, de nombreux bugs d’animation au cours des séquences de dialogues ou une réalisation globale peut-être trop ambitieuse pour les dimensions du studio qui aurait peut-être pu privilégier des dialogues textuels pour étoffer son histoire, mais Solasta s’en sort tout de même assez bien, suffisamment pour que l’on porte intérêt à l’avenir de nos héros. Notez également que certains donjons ont une orientation « puzzle » qui rend les moments de flottement entre deux combats très agréables, certains niveaux étant construits très intelligemment et exploitant la mobilité de vos personnage à bon escient.
DES COMBATS DND PUR JUS
La majeure partie de Solasta sera donc, vous vous en doutez, composée de combats au tour par tour, régi par de très nombreuses règles qui ne sont pas pour autant si compliquées à assimiler pour le profane. Sorts majeurs, puissants, mais utilisables uniquement entre deux « longs repos », sorts mineurs exploitables à l’envi, désengagement, fuite ou encore préparation d’attaque d’opportunité sont autant d’éléments à prendre en compte pour établir votre tactique au cours des combats, qui vous positionneront souvent en situation d’infériorité numérique. Les différentes options mises à disposition vous demanderont une solide connaissance de votre escouade et aussi un bon degré d’anticipation pour réserver certains sorts au moment le plus opportun, à plus forte raison que vous ne pouvez les lancer que si vous disposez d’une main libre. Il faudra donc jongler entre différents sets d’équipement , sorts immédiats ou requérant des ingrédients préalablement récoltés pour être lancer et verticalité pour sortir victorieux d’un combat. C’est également sur ce dernier point que Solasta s’en sort avec les honneurs, car les équipes de développement ont rendu presque chaque affrontement très vertical. Repousser un ennemi au bord d’un gouffre est un très bon moyen d’économiser des actions, ou projeter un sort ou une flèche sur ce lustre massif et branlant pour le faire tomber sur la zone d’affrontement l’est également. Notez qu’un système de couvert à la XCOM est disponible autant pour vous que pour vos ennemis, augmentant encore la dimension tactique d’un jeu qui l’est déjà beaucoup.
En revanche, la caméra n’offre pas un positionnement toujours idéal et son recul n’est pas toujours suffisant pour embrasser des scènes de combats très étendues sur le terrain de telle sorte que tous les affrontements requièrent un ajustement permanent de l’angle de vue, souvent masqué par des éléments en hauteur qui ne disparaissent pas quand bien même ils entraveraient votre champ de vision. Enfin, et c’est là la nature même du jeu qui pourra rebuter, il faudra accepter que les jets de dé conditionnent absolument tous les aspects du jeu : jet de concentration, jet de sauvegarde, de force etc… seront les seuls maîtres à bord et il faudra parfois accepter des ratés même lorsque rien ne semble à l’écran empêcher un sort d’atteindre sa cible.
Côté difficulté, le jeu n’offre pas toujours une expérience équilibrée, et certains pics qui contrastent avec la relative facilité des combats une fois votre groupe arrivé à un certain niveau de compétence ou d’équipement. Cependant, et c’est chose rare, Solasta offre un degré de personnalisation des règles du jeu particulièrement poussé. Valeur du jet d’initiative des adversaires, des alliés, des bonus, des malus, de certains prérequis pour récupérer sort et vie… presque tout en jeu est paramétrable pour vous façonner une expérience à la carte, plus dure si vous êtes un vétéran, plus permissive si vous êtes un novice. Rien qui puisse cependant régler la gestion d’inventaire un peu laborieuse en dépit d’une interface qui fait ce qu’elle peut pour être la plus sobre possible, mais pas de quoi bouder son plaisir, Solasta est un très bon jeu qui ravira les amateurs de Tactical RPG.