Cela faisait un moment que Sony n’avait pas dégainé une exclusivité tout public de cette envergure. En plus d’être la suite attendue d’une des franchises emblématiques du constructeur japonais, Ratchet & Clank : Rift Apart est aussi une vitrine technique pour la PlayStation 5. Toutefois, le limiter à ces qualificatifs serait réducteur car finalement, ce jeu d’action plate-forme est bien plus que ça. Rift Apart se révèle être un immanquable pour les possesseurs de la machine et ni plus ni moins que le meilleur épisode de la licence d’Insomniac.
Alors que tout Mégalopolis célèbre nos deux héros, le vil Nefarious vient gâcher la fête. En s’emparant du Dimensionator, une arme ouvrant des failles dimensionnelles qui permettrait à Ratchet de retrouver les siens, le vilain sème le chaos dans toute la galaxie. D’innombrables portails détruisent l’équilibre de leur monde. En poursuivant Nefarious, Ratchet & Clank se retrouvent séparés dans un monde parallèle ou le grand méchant domine toute la galaxie. Blessé, Clank trouve une alliée de taille en la personne de Rivet, le double dimensionnel de Ratchet. Cette Lombax, la race de Ratchet, à la personnalité bien trempée passe outre sa méfiance envers les robots pour aider Clank et sauver la galaxie. Les deux acolytes parviendront-ils à se réunir pour rétablir l’équilibre ?
GALAXY VICE
Si nous ne vous dévoilerons évidemment pas le déroulement de l’aventure et les principaux axes du scénario, nous pouvons toutefois vous confirmer que le tout se suit avec plaisir. En utilisant avec pertinence les codes du Buddy Movie et des films d’animation des studios Pixar et autres Dreamworks, Ratchet & Clank Rift Apart raconte une histoire prenante. S’il use de ressorts narratifs connus, force est de constater qu’ils sont ici très bien utilisés. Ainsi, les personnages en proie aux doutes surmontent leurs peurs pour le bien commun et ressortent de leur aventure grandis. Nos aventuriers rencontrent les doubles dimensionnels de leurs alliés et chacun fait plaisir à voir. Difficile de ne pas tomber sous le charme de Rivet, encore plus téméraire et débrouillarde que Ratchet, car la Lombax enchaine les moments de bravoure. Pour cause, son univers dystopique est bien plus dangereux que celui de nos compères. Elle a donc du apprendre à survivre par ses propres moyens. Les nouveaux intervenants fonctionnent à merveille et Rivet s’intègre parfaitement dans la trame du titre. De plus, Rift Apart nous fait alterner entre Rivet et Ratchet tout au long de l’aventure pour nous faire traverser l’entièreté de la galaxie et maintenir un rythme soutenu.
L’écriture a toujours été un aspect important de la saga et cet épisode n’est pas en reste. Rift Apart ne tombe pas dans les travers du reboot de 2019 qui avait tendance à ne jamais vouloir se taire. Les blagues sont bien dosées et ne viennent jamais désamorcer les moments de tension. On regrettera peut-être que certains personnages, comme le Capitaine Qwark, soient sous-utilisés, mais pour le reste, cet épisode offre un scénario tout à fait satisfaisant et des dialogues amusants qui font souvent mouche. Le tout est porté par un casting français absolument impeccable. Cyrille Artaux reprend bien évidemment le rôle de Ratchet qu’il tient depuis 2007. Clank est campé par Martial Le Minoux qui ne l’a pas quitté depuis le premier épisode. L’inénarrable Philippe Peythieu reprend du service pour le Dr Nefarious. Rivet n’est doublée par nulle autre que Barbara Tissier que vous aurez tous déjà entendu en tant que Jessie dans Toy Story ou en tant que Princesse Fiona dans Shrek. Ce casting VF cinq étoiles est parfait de bout en bout et participe largement à l’appréciation du scénario et des galéjades balancées à tout va. On pourra éventuellement regretter que quelques traits d’humours se perdent dans l’adaptation française. Pierre le pirate hérite d’un accent français à couper au couteau en version originale, celui-ci est donc absent de la VF. On apprécie toutefois que les adaptateurs aient compensé ce grief en créant de nouvelles situations cocasses en français. Il est difficile de bouder son plaisir quand un commis de cuisine spatial s’exprime avec un accent du sud impeccable.
PLEIN LES MIRETTES
Les plus grandes stars de ce Ratchet & Clank : Rift Apart sont à n’en pas douter les failles dimensionnelles qui donnent son nom au titre. Pour cause, ces anomalies quantiques servent de multiples intérêts. Elles sont l’élément déclencheur de toute l’histoire et sont donc au cœur du scénario. Mais ce n’est pas tout, car elles s’intègrent également dans le gameplay. En faisant voyager nos héros instantanément de monde en monde, elles permettent au jeu de conserver un rythme haletant et d’alterner les différents gameplay avec une facilité déconcertante. Difficile de ne pas aborder la technique du titre d’emblée tant elle est intrinsèquement liée à la proposition de Rift Apart. Ces failles ne sont pas uniquement là pour vanter les mérites des SSD adoptés par cette nouvelle génération de machine, mais remplissent également un rôle ludique et thématique. Si l’on pouvait douter que le tout fonctionne comme prévu et que les chargements de nouvelles zones s’enchainent instantanément, force est de constater que le pari est tenu. Les plus attentifs remarqueront une ou deux transitions plus abruptes par-ci par-là lors d’un changement d’univers, mais cela reste très rare. Globalement, ces transitions d’univers sont extrêmement impressionnantes.
Jouer à Rift Apart c’est se battre avec des robots géants avant d’être catapultés sur le dos d’un dragon dans une autre dimension pour revenir dans la première en grindant sur une navette sur le point de s’écraser. La technique et le rendu visuel de Rift Apart sont loin d’être anodins et participent largement à en faire une expérience qu’il est difficile de lâcher. Non, les trailers ne trompaient pas, Ratchet & Clank Rift Apart est sublime. Affichant un rendu visuel rarement atteint dans notre médium, il offre des panoramas impressionnants, des textures détaillées, des effets de fourrure plus vrais que nature… Il est probablement l’un des plus beaux jeux qu’il nous ait été donné de voir. Si un oeil averti peut repérer quelques rochers plus anguleux en s’éloignant du chemin tracé par les développeurs, on aura bien du mal à formuler un autre reproche envers le rendu visuel de cet épisode. En profitant de ces nouvelles possibilités graphiques, Rift Apart alterne avec fluidité entre les cut-scenes et les phases de gameplay. Là où le précédent usait d’extraits de films en images de synthèse, cet épisode utilise le moteur du jeu pour raconter son histoire. Et s’il reste encore un pas à franchir avant d’atteindre le rendu d’un film Pixar en CGI, il est indéniable que jamais nous n’en avons été aussi proches. In fine, l’illusion fonctionne, on s’y croirait.
On pourra en dire autant des animations, tout simplement hallucinantes. Si Insomniac nous a habitués à un travail de haute volée, le studio franchit un nouveau cap. Chaque personnage se meut avec crédibilité tandis que les attaques de nos héros n’ont jamais eu autant de punch. Chaque ennemi profite d’animations spécifiques pour de nombreuses armes. Le ricochet envoie valser les adversaires de gauche à droite tandis qu’en cas d’électrocution chacun d’entre eux se contorsionne dans des positions hilarantes. Mais finalement, ce qui impressionne le plus le joueur qui prend le temps d’observer ses environs, c’est la quantité astronomique de figurants profitant d’animations détaillées. Il suffit de se rendre dans le club de Zurkon et de poser son regard sur n’importe quel badaud pour apprécier le travail effectué. Un reptile mélange son cocktail avant de le siroter, deux truands jouent des épaules sur une borne d’arcade, un robot pirate dort à même le bar en ronflant… Scruter les habitants de cet univers est un plaisir de chaque instant.
Toutes ces qualités techniques font de ce nouvel épisode un régal visuel constant qui émerveille autant grâce à ses failles dimensionnelles impressionnantes que par la qualité de ses animations ou de ses modèles fins et détaillés. Le tout tourne en 4K 30FPS sans jamais frémir en mode Fidélité et avec une résolution dynamique en 60 FPS en mode Performance. Le RT Performance quant à lui conserve le Ray Tracing du mode Fidélité et adapte la résolution en temps réel pour atteindre les 60 FPS. Ce mode offre un bon compromis car la qualité visuelle est au rendez-vous, mais il permet tout de même de profiter du confort du 60 FPS. Nous le recommanderons aisément aux joueurs n’ayant pas de moniteur 4K. Nous profitons tout de même de l’occasion pour préciser que le gain de qualité visuelle en mode Fidélité est réellement significatif. Même sur un moniteur 1080p, la différence est flagrante. Dans ce mode Rift Apart est la claque attendue. En plus du gain de résolution, la distance d’affichage s’étend, les effets visuels sont plus impressionants et les éclairages gagnent en crédibilité. En Performance et RT Performance, il est un jeu superbe et fluide en toutes circonstances, mais un poil moins impressionnant tout de même. Ces changements visuels impactent directement les cutscenes qui nous présentent des modèles plus fins en mode Fidélité. De plus, le framerate cappé à 30 FPS rapproche l’expérience de visionnage de ces cuts-scenes d’un film d’animation, généralement diffusé à 24 FPS. L’appréciation visuelle reste forcément subjective et tous les modes présentent leurs avantages, vous serez donc seuls juges. Toutefois, si vous voulez en prendre plein les mirettes, passez le titre en mode Fidélité, vous ne le regretterez pas. Notez que nous avons constaté quelques bugs : il nous est arrivé, très rarement tout de même, de devoir recharger un point de contrôle pour qu’un script se déclenche et quelques modèles 3D s’agitent parfois plus que de raison.
UNE FORMULE ABOUTIE, PLUS GRISANTE QUE JAMAIS
Pour le reste, cet opus enchaine toujours les phases de shoot, de plateforme et de puzzle. Le tout est ici parfaitement rythmé et le joueur n’a pas le temps de s’ennuyer. Et si une bonne partie du jeu est largement mise en scène à coups d’explosions ou de failles dimensionnelles, le titre n’oublie pas ses racines et a le bon gout de laisser le champ libre au joueur. Ce dernier peut donc arpenter la planète de son choix quand il le désire pour mener à bien des missions secondaires ou partir à la recherche des boulons dorés. Ce ne sont pas les seuls collectibles, car le joueur pourra mettre la main sur des Orbes Lombax ou encore d’Inforobots qui permettent d’en apprendre plus sur l’univers. Des failles dimensionnelles sont disséminées par-ci par-là et permettent d’accéder à des défis de plateformes qui récompensent nos héros de pièces d’équipement. Ces armures confèrent divers boost de statistiques sympathiques, mais complètement facultatifs. Cette structure traditionnelle est largement dynamitée par une mise en scène explosive et des combats pêchus. Ces derniers rythment l’aventure tout du long et les variations de gameplay constantes font de Ratchet & Clank : Rift Apart un titre particulièrement difficile à mettre en pause. Phases de tir, exploration en Hoverbottes, défis de plateformes, combats de boss, course-poursuites endiablées… Cet épisode enchaine les situations grisantes et est rythmé d’une main de maître.
En termes de gameplay, la licence n’évolue pas de manière spectaculaire, mais on note quelques ajouts plaisants. Nos deux Lombax peuvent user d’un dash à loisir, ce qui leur permet d’esquiver avec aisance les tirs ennemis ou franchir des fossés. Les Hoverbottes permettent de se déplacer encore plus rapidement que par le passé. Le grappin ouvre des failles disséminées un peu partout pour se déplacer à toute vitesse sur le champ de bataille. Pour le reste, cet épisode reste sur des bases connues. Les phases de tirs sont au cœur du titre et les armes loufoques sont toujours aussi centrales à l’expérience. De l’arrosoir figeant l’ennemi à des plantes grimpantes, en passant par le Ricochet qui envoie valdinguer les adversaires dans tous les sens jusqu’aux grenades déployant des mini-robots prêts à dévorer les fesses de quiconque les approche… Il y a de quoi faire. Et si cet épisode est peut-être un peu plus sage que son prédécesseur, pas de boule disco ou de bouillie de pixel dans Rift Apart, il est également bien plus pêchu.
Si le sound design est toujours aussi efficace, c’est bien la manette DualSense de Sony qui fait la différence ici. Les retours haptiques fonctionnent à merveille, les plus attentifs remarqueront qu’en cas de changement d’arme, chaque petit mouvement de culasse ou de boulon dispose de sa vibration spécifique. Les gâchettes de leur côté résistent plus ou moins fort en fonction de la pétoire, mais s’intègrent aussi au gameplay. À l’instar de l’utilisation qui est faite de la gâchette analogique dans Mario Sunshine, Ratchet a accès à différents modes de tir en fonction de la pression émise L2 ou R2. Par exemple, en appuyant faiblement sur R2 équipé du fusil d’assaut, le joueur envoie des tirs uniques très précis. En enclenchant à fond, il multiplie sa cadence de tir au détriment de la précision. L’Exterminateur envoie une douille à la fois en cas de faible pression, mais vide intégralement son chargeur dans le cas contraire. Encore mieux, les gâchettes n’opposent aucune résistance lorsque le chargeur du joueur est vide. Ce qui pourrait être considéré comme un gadget s’intègre finalement pleinement aux combats et confère un sentiment de puissance jamais atteint par la licence auparavant. Et si ces fonctionnalités ont pour vocation à se faire oublier au fil du temps, on ne peut nier que leur intégration est ici très réussie et qu’elles apportent une réelle valeur ajoutée.